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Deux anniversaires de naissance Karl Marx (1818-1883) et Léon Dehon (1843-1925)

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Karl Marx (1818-1883) Karl Marx (1818-1883)

L’heure est venue d’opposer avec une sainte hardiesse au cri de Karl Marx : « Prolétaires, unissez-vous pour la lutte », le cri de Léon XIII : « Prolétaires, unissez-vous dans le Christ, sous la bannière de l’Église, pour le salut social ! »   

Trop de catholiques, apathiques ou illusionnés, font encore, hélas! le jeu de Karl Marx contre Léon XIII.

 

 Souvent, le Père Dehon revient dans ses oeuvres sociales sur les doctrines socialistes dont il serait "puéril de nier en bloc tous les faits apportés par les docteurs du socialisme. Les documents nombreux figurant dans le Capital de Karl Marx sont empruntés à des sources officielles. Engels est un statisticien de haute valeur. La science et la loyauté de Schöffle et de Henry George ne sauraient être mis en doute."

Le Père Dehon pourtant a d'autres solutions à proposer que ce que proposent les socialistes et les communistes de son époque. Il a une très bonne connaissance des thèmes repris dans les encycliques de Léon XIII et qui formeront ultérieurement ce qui est convenu d'être appelé la doctrine ou la pensée sociale de l'Eglise. Voici, pour exemple, un extrait de ses Conférences de Rome.


Léon Dehon: Extrait de la « Rénovation sociale chrétienne – Sixième conférence : La démocratie chrétienne » (1898)

  Trop de catholiques, apathiques ou illusionnés, font encore, hélas! le jeu de Karl Marx contre Léon  XIII. Il est temps que cela finisse! Les démocrates chrétiens doivent d’abord écarter la solution socialiste, en expliquant aux travailleurs qu’avec le communisme ils ne feront que changer de maîtres pour en trouver de plus durs.

Il faudra des chefs à tous les ateliers communaux. Où ces chefs prendront-ils des mœurs plus humaines et plus justes que ceux d’aujourd’hui, surtout s’il n’y a plus dans la société d’enseignement moral et religieux?

Il faudra travailler dans les ateliers pour faire vivre la communauté, et puisqu’il n’y aura plus comme stimulant l’intérêt personnel du profit ou du salaire, il faudra bien, si l’on ne veut pas mourir de faim, que la verge ou la prison remplace les stimulants d’autrefois.

Mais ce n’est pas tout de démasquer le socialisme, il faut offrir un remède au mal présent. Ce remède, nous l’expliquerons plus complètement en exposant le programme de la démocratie chrétienne; indiquons-le sommairement aujourd’hui.

Nous demandons la protection des travailleurs par la loi et par les corporations.

Le travailleur devant le capitaliste, c’est la faiblesse devant la force.

Qui contiendra cette force dans ses justes limites? La loi et les règlements corporatifs.

Il faut que le travailleur soit respecté dans sa vie physique et dans sa vie morale; que son travail soit équitablement rétribué, que son épargne soit favorisée; qu’il soit prémuni contre l’épreuve des mauvais jours; qu’il soit assuré de trouver le secours nécessaire dans la maladie et la vieillesse.

Durée du travail, salaire minimal, travail des enfants et des femmes, contrat de travail, hygiène et moralité des ateliers, assurances et retraites, voilà des problèmes qu’aborde la démocratie chrétienne. On peut varier dans le choix des solutions; on ne peut pas écarter ces questions ou les mépriser. Les corporations ont suffi autrefois à les résoudre; aujourd’hui, les corporations elles-mêmes sont un problème. Seront-elles rétablies, et sous quelle forme? En attendant qu’on le sache, il faut que l’État intervienne et tranche ces questions par lui-même, en s’aidant des corporations qui se relèvent, des mutualités et de l’initiative privée encouragée et dirigée.


XVI. Une autre revendication à poursuivre, c’est que l’accession à la petite propriété soit facilitée par la législation et par l’organisation sociale. Il y a là tout un ensemble de mesures à prendre.

Les lois actuelles favorisent d’une manière désastreuse le prolétariat. Les petites propriétés sont ruineuses à acquérir par suite des lois d’enregistrement, elles sont impossibles à conserver dans les familles par suite des lois successorales. Rien n’est plus funeste qu’une pareille législation; elle multiplie les prolétaires, les gens sans foyer, sans traditions et sans mœurs. Il faut que les pouvoirs publics soient bien aveuglés pour laisser durer ces lois qui préparent les hommes de désordre.

Mais il n’y a pas que la petite propriété qui relève la dignité humaine, il y a encore l’accession au patronat par l’association, par la coopération, par la participation aux bénéfices. Demandons à la loi et à la coutume de favoriser ces procédés d’ascension démocratique.

Avec cet ensemble de réformes, les prolétaires sortiront en grande partie de cette situation qui est écrasante pour eux et périlleuse pour la société.

Toutes ces réformes, Léon XIII les a demandées. Il a appelé notre attention sur la durée du travail, sur l’insuffisance du salaire, sur l’épargne et les assurances, sur la nécessité de favoriser la petite propriété et d’aviser à ce que les travailleurs participent assez largement aux biens de toutes sortes qu’ils produisent pour l’avantage de la société.

Léon XIII est donc le premier démocrate chrétien.

Nous ne pouvons demander toutefois aux Encycliques pontificales, que les grandes lignes du programme démocratique. Il reste place ensuite pour bien des nuances dans les applications, soit dans la vie politique, soit dans la vie économique.

XVII. Avec tous les catholiques agissants, le clergé doit se mettre à l’œuvre pour aider au relèvement social des prolétaires. Léon XIII l’y invite dans son Encyclique.

Le cardinal Gibbons, 19 dans son beau livre sur le prêtre L’Ambassadeur du Christ, en développe les motifs.

«Puisque le ministre du Christ, dit-il, est par excellence l’ami et le père de son peuple, il ne peut rester indifférent à aucune des questions sociales, politiques ou économiques, qui touchent aux intérêts ou à la prospérité de la nation. Les relations de l’Église et de l’État, les devoirs et les prérogatives des citoyens, les malheurs engendrés par la corruption publique, l’honnêteté des élections, les privilèges et les obligations mutuelles du travail et du capital, la moralité du commerce sous toutes ses formes... voilà, autant de questions vitales d’où dépendent la paix et la prospérité de la nation...».

Et un de nos missionnaires intérieurs les plus clairvoyants de ce siècle, le Père Combalot, 20 avait raison d’écrire aux évêques de France en 1850 pour leur signaler «l’inaction du clergé et le péril de la démocratie païenne et sauvage que le clergé ne cherche pas à gagner au Christ...».

XVIII. Les circonstances sont favorables pour aller au peuple. Le moment historique est venu pour la démocratie chrétienne d’entrer en campagne. Le peuple cherche et veut des réformes sociales. L’Église peut lui dire avec vérité qu’elle seule en a le secret et que le socialisme est une illusion.

Souvent l’Église est allée utilement aux peuples depuis la Rédemption. Le Christ lui en a donné l’exemple. Il n’était pas écouté des pharisiens et des docteurs, il s’adressa aux hommes du peuple et recruta ses apôtres parmi eux.

À Rome, le christianisme se développa surtout par le peuple. La plus grande partie des croyants se recrutait parmi les esclaves; on le leur reprochait. L’Église n’hésita pas non plus à se tourner vers les peuples nouveaux à l’époque des invasions barbares, au lieu de s’attacher obstinément à la civilisation romaine.

Dans ces derniers siècles, elle s’est adressée aux princes et aux puissants. Les uns l’ont délaissée pour le protestantisme, d’autres lui ont opposé le gallicanisme.

Elle s’est tournée vers la science; elle s’est heurtée au jansénisme, à la philosophie et de notre temps au positivisme et au matérialisme.

Aujourd’hui, à qui s’adresserait-elle? Aux pouvoirs publics? Mais ils n’ont plus d’influence morale et d’ailleurs ils émanent du peuple, qui nomme les parlements.

Aux savants? Mais les académiciens n’ont plus guère d’action sur les peuples.

Aux patrons? à la bourgeoisie? Beaucoup sont absorbés et séduits par l’appât de l’or et le sensualisme.

Le peuple est plus naturellement religieux; dans les pays protestants, en Angleterre surtout, il a longtemps résisté à l’aristocratie protestante.

Le peuple est plus simple que les grands; il est sensible à ce que l’on fait pour lui. Il lui reste, dit Le Play, la foi immanente.

Tout cela montre l’opportunité du programme de l’Aller au peuple, c’est-à-dire de la démocratie chrétienne.

En pratique, il faut donc: Prêcher hautement la démocratie chrétienne; opposer ses promesses à celles de la démocratie socialiste; montrer l’action sociale de l’Église, par la philosophie de l’histoire.

XIX. Cette opportunité, nos ennemis l’ont comprise immédiatement. Quand la démocratie chrétienne s’est affirmée en France, les journaux socialistes ont proclamé que là était le plus grand péril de leur parti.

Un sociologue allemand favorable au socialisme, Monsieur Sombart, 21 professeur à l’Université de Breslau, a écrit :

«Tant que l’on s’est efforcé de défendre la monarchie et le capitalisme comme des institutions nécessaires, voulues par Dieu, tout mouvement social devait être forcément antireligieux. C’est donc un sentiment de défiance, inspiré par l’attitude tout au moins douteuse des représentants de l’Église, qui a éloigné le prolétariat de l’Église et de la religion. Mais du jour où cette défiance sera dissipée, où le christianisme sera enseigné dans un sens démocratique, pour quelle raison le mouvement prolétarien conserverait-il son caractère antireligieux?

«Le christianisme a réussi à être la religion du vieil empire romain comme celle de la Germanie jeune et vigoureuse, celle de la féodalité comme celle des communes et en dernier lieu celle de la bourgeoisie. Pourquoi ne serait-il pas aussi la religion du prolétariat?...».

Puissent les catholiques voir aussi clair que leurs adversaires!

XX. Est-il encore nécessaire, après cela, de répondre aux objections courantes? Faisons-le brièvement.

Le mot, disent quelques-uns, est bien mal choisi. - Nous répondrons que le peuple veut une démocratie. Le socialisme se présente à lui comme une démocratie et le séduit, offrons-lui une démocratie qui ait sa base dans l’Évangile et nous le regagnerons au Christ et à l’Église.

Mais, disent les autres, les vertus privées ne suffisent-elles pas à tout? Elles rendront le riche charitable, le pauvre patient et sobre.

Nous répondrons que la justice sociale est voulue de Dieu, au même titre que les vertus privées.

Et d’ailleurs les vertus privées seront stériles sans la justice sociale. La désorganisation sociale les détruira à mesure et en tout cas les empêchera de fructifier.

Les élèves de vos écoles libres, qui vous coûtent tant de millions, ne persévèrent pas, parce qu’ils entrent après l’école dans une société désorganisée.

XXI. Mais le champ d’action du socialisme est restreint, dira un autre, faut-il tant s’en préoccuper? Il n’atteint que les villes industrielles et quelques campagnes où sévit la crise agricole.

Réponse. N’est-ce pas assez pour que nous luttions contré lui par la démocratie chrétienne? Sinon, il occupera les municipalités des grandes villes; il aura dans nos Chambres des groupes qui s’imposeront par le bruit, par l’audace, par l’obstruction, par l’intimidation... en attendant le reste.

– Mais l’action patronale ne suffira-t-elle pas?

Réponse. – Elle peut et doit aider. Mais:

1. L’expérience montre que son action sera fort restreinte, même chez les patrons qui passent pour chrétiens;

2. Et combien n’y a-t-il pas de patrons non chrétiens ou nonagissants?

3. Même chez les chrétiens agissants, il reste des lacunes; ils sont retenus par des préjugés, par des intérêts;

4. En tout cas, les travailleurs peuvent et, comme citoyens, doivent aussi s’aider, s’entendre et s’unir.

XXII. Mais, dira-t-on encore, la démocratie est une mer houleuse, où l’on hésite à s’aventurer.

Mais, à la voix du Christ, Pierre n’hésita pas à marcher sur les flots agités du lac de Tibériade, et quoiqu’il ait douté un instant, le Christ le sauva, lui et sa barque. C’est le symbole de toutes les hardiesses que devait avoir l’Église pour aller à la conquête de la société romaine, des populations barbares, et enfin du prolétariat moderne.

Pierre, aujourd’hui devenu Léon XIII, s’est avancé aussi, sous l’inspiration du Christ, sur les flots agités de la démocratie. Il n’hésite pas, et avec ceux qui le suivent il sauvera la barque de l’Église malgré les trembleurs.

À l’œuvre donc!

Le professeur Toniolo avait raison de dire récemment: «La reconstitution de l’ordre social chrétien par le moyen du peuple ne semble pas difficile en ce moment historique, mais à deux conditions pourtant: la première, c’est que les catholiques prêcheront hautement aux prolétaires qu’en face de la démocratie socialiste, illusoire, inique, impossible, il y a une démocratie chrétienne, catholique, possible, raisonnable, historique et satisfaisant à toutes leurs légitimes revendications; - puis qu’ultérieurement les catholiques prendront en mains la cause du peuple pour préparer l’avènement de cette démocratie». – Pour cela, il faut que les catholiques actifs soient convaincus que l’heure est venue d’opposer avec une sainte hardiesse au cri de Karl Marx: «Prolétaires, unissez-vous pour la lutte», le cri de Léon XIII: «Prolétaires, unissez-vous dans le Christ, sous la bannière de l’Église, pour le salut social!».

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