42 ans de Cameroun ! C'est quelque chose !
Des lieux, des dates, des nominations ici ou là ne peuvent
nous faire pénétrer dans une vocation missionnaire.
Que dire du P. ALBANI ?
C'est à Bergame en Italie qu'est né le P. Giuseppe
ALBANI en 1902. Tout près de chez lui, à Albino en
1907, vient de s'établir une Ecole Apostolique, "l'Ecole
des Prêtres français" dit-on encore dans le pays
; le jeune Giuseppe s'y fait inscrire. Le Noviciat à Albisola
est fondé en août 1919 ; il est le premier à
y entrer, pour faire profession en octobre suivant. Il fera partie
des 4 premiers prêtres de la nouvelle Province italienne.
Ordonné en 1926, il sera encore le premier missionnaire que
cette jeune Province enverra moissonner au Cameroun en 1927.
"Moissonner", c'est beaucoup dire ! Car il faut d'abord
"planter", même avant, il faut "défricher
-débrousser".
Tout est à faire en 1927, quand le Père Joseph débarque.
Pendant 7 ans il sera 2ème vicaire à Mbanga à
côté du P. Lebrun. Il sera à bonne école
! formé à son rôle de missionnaire par 2 apôtres
exceptionnels : Mgr Plissonneau qui baroude depuis 1920 et le père
Bouque, arrivé lannée précédente
et qui sera bientôt Mgr Bouque, lEvêque de Nkongsamba.
C'est l'époque où il faut être planteur dans
l'immense plantation de la Mission de Mbanga; instituteur ou directeur
d'école selon les nécessités; maçon
pour les premières constructions; bûcheron et menuisier
pour tirer portes, fenêtres et meubles, d'acajous de 2 mètres
de diamètre et plus; soigner les malades ; écouter
les palabres ; enseigner la doctrine baptiser, confesser... et faire
le palefrenier, car on se déplace uniquement à pied
ou à cheval pour visiter les brousses. I1 y avait parfois
compétition entre Cocotte... (c'est-à-dire le cheval
du P. Bouque) et celui du père Albani : à qui arriverait
le premier à Souza ? (... et presque toujours cétait
Cocotte qui l'emportait.)
En 1935 le P. Joseph est nommé Supérieur à
Bonabéri. I1 pourra donner sa pleine mesure : le territoire
est immense, l'évangélisation déjà très
avancée, et l'on doit construire une église en dur,
la proximité du port permettant de se fournir facilement
en ciment. Les travaux dureront de 35 à 38. Qui, venant pour
la première fois à Bonabéri, n'a remarqué
sur les claustras de l'église, la foi du P. Joseph s'exprimer
en moulages sculptés, simples, mais expressifs : le Coeur
blessé du Christ, la couronne d'épine, les instruments
de la Passion, la croix de Profession, l'Eucharistie. nest-ce
pas là un résumé de sa prédication :
l'Amour du Christ et la Réparation en répondant à
cet Amour Sauveur ?
Bonabéri, c'est le grouillement d'un port, et le P. Joseph
assure par intermittence les fonctions de Procureur. I1 sera présent,
27 ans durant, à larrivée des missionnaires.
I1 est là sur le quai quand accoste le bateau venant de Marseille
ou de Gênes. "Qui sont les Prêtres du Sacré-Coeur
à bord demande-t-il. Parmi les soutanes blanches accoudées
à la rambarde des mains sagitent. Souvent il pleut
à torrent mais qu'importe, en bas de la passerelle il accueille
à bras ouverts les nouveaux venus et on fête l'arrivée
au Café Eymann. On est tellement heureux qu'on oublie l'heure
de la chaloupirogue pour traverser le Wouri et l'aventure commence
sur une peu rassurante pirogue... A la Mission c'est l'accueil dans
l'église où tous les écoliers sont là;
on donne le Salut du St Sacrement, on chante un Magnificat émouvant
à plusieurs voix, on adresse son premier message missionnaire
"à toute Afrique' à travers ces jeunes chrétiens
rassemblés.
Combien de fois sera renouvelé, sans jamais s'affadir, cet
accueil du père Joseph ? I1 est vrai qu'il avait un tempérament
pour cela ! I1 y a aussi toutes les marchandises qui débarquent,
car tout doit venir de France, et le Père a fait des douaniers
ses amis, grâce à sa bienveillance et à sa bonne
humeur. Ça facilite les choses !
Le 30 août 59 a profondément marqué le P. Joseph.
I1 vient d'accueillir le P. Gilles Héberlé de retour
de France. Au repas du soir, tout d'un coup la porte s'ouvre ; d'un
coup de machette le P. Musslin juste en face de la porte est tué.
C'est la manifestation de la Rébellion au Cameroun, et on
a cherché à tuer, le jour même de son retour,
le P. Gilles, trop ardent défenseur des petits et des humbles,
pour disperser les brebis en frappant le Pasteur. I1 sera abattu
3 mois plus tard à Bafang.
Les années passent. Le Père est nommé en 62
à Nyombé, autre grande mission en plein essor. Mais
l'âge vient, et en 69, trop fatigué, le P. Joseph après
son congé reste en Italie.
Le Père fut le conseiller très écouté
par Mgr Bouque, et son avis eut aucoup d'importance. C'est une relation
de dépendance du missionnaire à légard
de son évêque, mais en même temps une amitié
qui ne se démentira pas, jusqu'à Mougins où
le Père vient faire de longs séjours en hiver, spécialement
à lépoque où Monseigneur est immobilisé
à lhôpital.
Un confrère qui a vécu avec lui disait : «Le
P. Joseph se plaisait vraiment en compagnie des confrères.
Sa bonne humeur, sa personnalité créaient une ambiance
sympathique, mais aussi religieuse et profonde, n'omettant jamais
la concélébration ou la prière-commune. Dans
les discussions religieuses, il se montrait documenté en
théologie, n'admettant pas facilement des positions "modernes".
I1 n'était pas l'homme à dire oui au premier venu,
et s'il usait de diplomatie pour amener à ses idées,
beaucoup savaient reconnaître après coup la justesse
de son analyse».
Une grave maladie devait l'atteindre en octobre dernier : entièrement
paralysé, son tempérament bouillant était mis
à rude épreuve. I1 sut la supporter généreusement
et faire répondre aimablement un petit mot à ceux
qui lui avaient écrit. I1 est parti le 13 février
chercher sa récompense après une semaine de très
dures souffrances, mais ayant gardé sa lucidité et
sa générosité d'offrande jusqu'au bout.
I1 est enterré à Albino, là où avait
commencé sa vocation d'enfant.
AVANT-PROPOS,
EXERGUE - CAUSES
INTRODUITES
|