Le Père BERNARD J-Baptiste
(1896 - 1980)
Né le 06.12.1996 à Netzenbach (67)
Profès le 24.06.1920 à Brugelette
Perpétuelle le 24.06.1923 à Louvain
Prêtre le 26.07.1925 à Louvain
Décès le 04.01.1980 à Nkongsamba
Miss. au Cam. (1926-1975)

HOMÉLIE

Le Père Jean-Baptiste BERNARD nous a quittés.
Sur sa tombe on poura lire : Né en 1896. Arrivé au Cameroun en 1926. Mort au Cameroun en 1960.
Qui saura résumer tout ce que cela représente ?
A 30 ans il quitte la France, mais sa famille, il l'a déjà quittée depuis plus de 10 ans !
Car il y a eu la guerre de 1914, le Noviciat à Brugelette en 1920, le Grand Séminaire à Louvain.
Sa famille, il ne la reverra que 7 ans plus tard et 19 ans plus tard en 1945, car il y a eu la guerre, une nouvelle guerre !! Comment s'y retrouver parmi les neveux, nièces, cousins, 19 ans plus tard ? 19 ans de plus !
Interrogez n'importe lequel de nos missionnaires, il vous dira :
"Le Père Jean-Baptiste ? J'ai été avec lui dans tel poste, dans tel autre. J'ai été son vicaire, j'ai été son curé." Tous ont partagé avec lui le ministère à un titre ou à un autre.
Par contre, en France, si parmi les confrères personne n'ignore son travail missionnaire, bien peu l'ont rencontré. Sur 53 ans il est venu si peu en congé ! et il se faisait si discret ! et il était si pressé de repartir là-bas. Là-bas, c'était sa famille à lui ! Je l'ai bien constaté lorsque, visitant le Cameroun en janvier 1975, je passais dans les rues de Bonabéri.
Partout des gens m'arrêtaient, me disaient :
"Le Père BERNARD, c'est lui qui m'a baptisé."
"Le Père BERNARD, c'est lui qui nous a mariés."
"Le Père BERNARD, c'est grâce à lui que j'ai eu une bonne place dans l' Administration, comme gendarme."
"Le Père BERNARD, je lui dois tout. J'ai été directeur à l'Ecole de la Mission. Maintenant je suis au lycée. Mais, je vous assure, je suis toujours fidèle chrétien. Grâce à lui."
En quelques minutes dans la rue, on découvre ses enfants à lui, ses nombreux enfants, pleins d' affection.
Son affection pour eux était aussi grande, aussi sensible. Si maintenant vous arrivez par la belle route goudronnée venant de Douala et passant derrière la Mission, vous ne pourrez pas deviner que cette belle route, c'était les habitations de ses enfants. Il gémissait : "Hélas, Bonabéri sera urbanisé, et presque toutes les cases sont déjà marquées d'une grande croix rouge... condamnées à disparaître. Où aller ? Pour nous, ce sont de pauvres gens ; mais eux se soumettent sans protester. Que faire ?"
Son travail apostolique ? Discret là où il passe. Au début, il est affecté un peu partout : Dschang., Mbanga, Bafang, Nkongsamba, Mbanga 7 ans comme Supérieur.
Puis c'est la guerre. Il sera mobilisé à Fort-Lamy pendant 4 ans. Bangangté : 2 ans.
Il y a 20 ans qu’il est au Cameroun, lorsque Mgr Bouque lui confie la charge de fonder un nouveau poste : LOUM.
En 12 ans, il va tout créer, l'Eglise, les Ecoles, le Dispensaire, la Résidence.
Mais la ville se développe tellement le long de la route : I1 faut, dans la lancée, créer une 2e paroisse, une 2e église, une 2e résidence, et des écoles, toujours des écoles.
Après 1960, à nouveau le Père ira partout où il y a un remplacement à faire, un dépannage à assurer, un service à rendre : Penja, Bafang, Loum à nouveau, Bonabéri, Penja. C'est à Bonabéri qu'il passera 12 ans (autant qu'à Loum) dont 2 ans comme vicaire d'un Abbé. Enfin Nyombé 3 ans.
I1 constate dans ses lettres : "Ma santé est bonne, mais parfois je me sens très fatigué."
I1 est toujours entre deux choix, comme le Serviteur de l'Evangile : Veiller ou s'assoupir en atten-dant le Maître.
"La santé est bonne, mais tout le reste, tout le milieu évolue rapi-dement : les coutumes, l'enseignement, les personnes, tout change. Aussi est-il prudent d'imiter les anciens: la Retraite?
I1 retardait la date de ses congés. I1 aurait dû rentrer en 73. Sous divers prétextes il ne rentra pas.
En 74 à nouveau on insiste pour obtenir son retour, il ne rentre pas.
En 75, étant sur place au Cameroun, je renouvelais mes demandes pour qu’il se soigne et qu’il se repose. Peine perdue !
Avant de le quitter, je lui dis : «Allons, Père, rentrez en France, je vous donne le billet d'Aller et Retour. Je vous le promets, vous reviendrez.» - "Oh ! Alors, me dit-il, je rentre, c'est d'accord."
I1 rentrera le 24 juillet pour fêter son jubilé Sacerdotal avec Monseigneur BOUQUE le 28. Mais 2 mois plus tard, il sera déjà au Cameroun !
Au cours de l'année 1979, le Père Jean-Baptiste a exprimé plusieurs fois le désir de rentrer, mais presque aussitôt annulé par un autre désir, sous-jacent à toutes ces décisions -
à ses refus de venir en congé, à ses retours brusqués (ne passant qu'une journée à Mougins), à son impatience lorsque des soins médicaux sont nécessaires : il veut mourir en Afrique. I1 veut être enterré auprès des " siens " : "ses enfants noirs ".
Pour la petite histoire, on peut raconter ceci : à son dernier congé, en 78, il doit rentrer en avril. I1 a tout prévu : le billet d'avion est pris, les escales à Nice et à Paris. I1 a tout prévu sauf une chose : il n'a pas sa carte d'étranger en résidence au Cameroun !
Quand on est depuis 53 ans dans le pays, au service du pays, est-ce bien nécessaire ?
Son retour en sera donc retardé de 2 mois.
A Bonabéri, il travaille avec le Père Ghiotto, puis avec le Père Passard, curé de la paroisse, et le Père Jean-Baptiste assurait une précieuse présence lorsque le Père faisait les tournées de brousse ou devait s'absenter. Excellente façon d'être toujours disponible, sans avoir une responsabilité pastorale trop lourde pour son âge. Mais en octobre 1975 une nouvelle situation se présente à lui : le Père a été remplacé par un Abbé indigène. Age, tempérament, formation, tout est différent. Or les possibilités d'adaptation humaines ne sont pas illimitées ! Et pourtant le Père Jean-Baptiste exprime son contentement car l'Abbé lui a laissé toutes ses anciennes occupations, et plein de confiance, il écrit : "En route pour l'Avenir ! ".
C'est beau de faire confiance à 1'AVENIR, mais dire cela à 80 ans ! ! N'est-ce pas une de ces paroles qui laissent transparaître toute une âme ? "En route pour l'Avenir", c'est une phrase qui ne s'invente pas, si elle n'est pas déjà dans le coeur depuis longtemps... depuis, peut-être son 1er départ 50 ans plus tôt.
"En route pour l'Avenir" , c'est sans doute la pensée réconfortante pour sa famille humaine et sa famille spirituelle.
J. DESEINE scj

AVANT-PROPOS, EXERGUE - CAUSES INTRODUITES