Le Père BILLOT Alfred (Jacques)
(1925 - 1965)
Né le 17.02.1925 à Eternoz (25)
Profès le 29.09.1944 à Busséol (63)
Perpétuelle le 29.09.1947 à Uriage
Prêtre le 25.03.1950 à Grenoble (38)
Décès le 16.10.1965 à Paris
Miss au Cam (1950-1965)

En ce froid matin du 19 octobre 1965, tout Saint-Clément se trouve réuni devant l'Église paroissiale Saint-Denis de Viry-Châtillon. Depuis un moment, le glas égrène ses notes lugubres... Minute émouvante, poignante, lorsque nous apercevons l'auto-corbillard qui transporte le corps du Père Alfred BILLOT, depuis 15 ans, vaillant missionnaire au Cameroun, décédé à l'hôpital saint Joseph de Paris le samedi 16 octobre.
Minute émouvante, poignante, ai-je dit, mais la messe d'enterrement que nous avons voulue magnifique ne sera pas « comme un enterrement ordinaire », m'a dit le lendemain un de mes grands élèves et il ajoutait, avec ses camarades: « C'était un enterrement vivant, pas triste, mais émouvant ». Telle est l'opinion de nos grands élèves, telle est aussi, je crois, l ' opinion de toute l' assistance.
Enterrement vivant, sans tristesse, par les chants où dominait la note de l'espoir:
« Pars vers Dieu qui t'appelle.
«Il sauve les pécheurs
«Dans la vie éternelle
«Rejoins ton Rédempteur ».
« Au ciel nous aurons, près de Dieu le bonheur
«Dans la gloire et la paix, près de Dieu...
ou encore le Magnificat, en chant d'actions de grâces.
Enterrement émouvant lorsque après l'Évangile le R.P. Goerg, procureur de notre mission du Cameroun, nous retraça la vie du Père Billot, homme d'action et de foi, et lorsque le T.R.P. Bourgeois, supérieur provincial, nous parla du caractère du défunt, de son cœur, de sa générosité.
Enterrement émouvant encore, vu la nombreuse assistance qui tint à conduire le Père à sa dernière demeure, dans le petit cimetière de Saint Clément où tous nous prenions part à la peine et aux larmes d'un papa et de deux frères.
Mais qui était donc ce Père ?
Alfred BILLOT était né le 17 février 1925, à Eternoz dans le département du Doubs. Petit village de 300 habitants au climat assez rude mais village touristique, encaissé dans une vallée, entouré d'un site magnifique. Dans le jeune Alfred, enfant, nous devinions déjà le jeune homme dur au travail, opiniâtre dans ses idées, mais jovial, au large sourire qui nous entraînait si souvent à la joie. Le deuxième de cinq enfants, Alfred perdait vers sa sixième année, et sa maman et un frère plus jeune, mais m'a-t-il dit plusieurs fois, la venue au foyer d'une seconde maman, si bonne, si douce pour eux tous, ne le privait pas de la chaude affection maternelle.
A 8 ans et demi, il partait pour le petit séminaire de Blaugies qui, jusqu'en 5ème, préparait des élèves pour Saint-Clément où il entrait en 1938. Je me permets ici de rappeler mon premier souvenir du Père: un petit baigneur noir dont il était si fier, car dès cette époque, tout jeune encore, il rêvait déjà des missions lointaines, au Cameroun.
1939: c'est la guerre. Saint-Clément se réfugie dans le nouveau petit séminaire des Pères du Sacré-Cœur à Neussargues (Cantal). Alfred y demeurera 4 ans et, après y avoir obtenu le baccalauréat, ira faire son apprentissage de la vie religieuse au noviciat, réfugié à 20 km de Clermont-Ferrand, dans le petit village de Busséol. Une fois émis les premiers vœux, ce sera le grand séminaire à Uriage (Isère). C'est là que le frère Jacques Billot étudiera philosophie et théologie, c'est là qu'il se consacrera définitivement à Dieu par les vœux perpétuels le 29 septembre 1947, c'est là qu'il sera ordonné prêtre le 25 mars 1950, avec trois de ses confrères, c'est là aussi qu'il apprendra d'une façon définitive qu'il pourra bientôt s'embarquer pour notre mission du Cameroun. Quelques jours avant Noël 1950, le Père Billot réalisait son rêve: il pouvait fouler de ses pieds la terre d'Afrique.
Son premier poste, professeur d'anglais et préfet de discipline au petit séminaire de Melong, lui laissera le temps et l'occasion de parcourir la brousse, son plus cher désir. Mais après trois ans de professorat, son évêque le désignera pour la mission la plus chaude, la plus malsaine, la plus difficile: Yabassi.
Le Père Billot, grâce à son excellente santé physique et morale, supportera les difficultés de climat et d'isolement souvent prolongé.
Après un premier séjour en France, il s'occupera de brousse et d'écoles à La Moumé où «nous trouvons l'aspect inhospitalier de la zone forestière». Puis le Père sera appelé au centre du diocèse comme vicaire à la cathédrale de Nkongsamba. C'est de là qu'il ira fonder sa première mission au Sud de Nkongsamba. Pour arriver au but qu'il s'est tracé, il vivra très pauvrement mais construira une église de 800 places, la maison des Pères et des écoles pour 600 élèves. Sa mission bien installée, le Père Billot revient en France pour un deuxième séjour au mois de mars 1964 puis repart vers la fin de la même année. Son nouvel évêque, heureux du travail accompli, le charge d'un nouveau poste à fonder, Baré. C'est là qu'en pleine force de l'âge, à 40 ans, le guettait le mal qui devait l'emporter. Conduit à l'hôpital de Douala vers la mi-juin, le Père était ramené d'urgence à Paris début juillet où durant plus de trois mois il demeurera avec une santé chancelante; et le 16 octobre nous parvenait la nouvelle de sa mort. De quoi est-il mort exactement ? Les docteurs ne se sont pas prononcés.
Voilà succinctement résumée la vie ardente, débordante du Père Billot. Il était spontané: s'il ne se formalisait pas d'une boutade qu'un confrère pouvait lui décocher, c'est qu'il avait la réplique facile, mais toujours avec gentillesse, et il en riait si facilement qu'il ne pouvait avoir que des amis. Sous des dehors un peu rudes, qui au premier abord pouvaient le faire paraître assez superficiel, il cachait un cœur si généreux, un oubli de soi si prononcé, une générosité si vaste que par là aussi il ne pouvait avoir que des amis. Durant l'année 1948, plusieurs grands séminaristes durent se faire opérer, le chirurgien demandait un confrère pour veiller ces malades. Je crois que, chaque fois, le Père Billot est allé passer une nuit à la clinique, pour l'office de bon samaritain.
Pendant plusieurs années de son grand séminaire, il s'est occupé de la ferme avec un autre de nos confrères plus âgé, lui aussi missionnaire au Cameroun. Cela leur demandait à tous deux de se lever avant la communauté, cela leur occasionnait un surplus appréciable de travail, jamais nous ne les avons entendus se plaindre. Pour tous deux c'était l'occasion de se dépenser pour leurs frères. Toujours en effet le Père Billot a su s'effacer, s'oublier lui-même, toujours aussi il était prêt à rendre service.
Au jour de notre première messe, le Père Supérieur du grand séminaire disait du Père Billot: «Si les pierres pouvaient parler... ! » Car déjà le Père avait répondu présent pour la construction de la première chapelle de Chamrousse, pour la construction ou reconstruction de bâtiments annexes du séminaire. Pour lui, c'était l'apprentissage de son rêve, construire au Cameroun.
N'oublions pas surtout que le Père Billot fut un homme de foi. Pour nous qui l'avons connu en Europe, rien ne le rebutait car il comptait sur Dieu, il le disait et il y croyait. Il savait que Dieu ne lui demanderait que ce qu'il pourrait supporter. Lorsque la veille de sa mort, le Père procureur des Missions lui demandait comment il envisageait la mort si Dieu l'appelait, le Père Billot répondait:
« D'accord, je suis prêt ».
C'est sur ce mot que je veux terminer tellement il me semble bien résumer sa vie :
prêt pour Dieu,
prêt pour ses chrétiens du Cameroun,
prêt pour tout ce qui pouvait lui être demandé.
Emile BOHNEN scj.
(Extrait de ma revue «JEUNE CLERC» (Partage) N° 105 1965)

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