Le Père BLANCAL Bernard (Germain)
(1826 - 1905)
Né le 25.11.1906 à Le Bonhomme (68)
Profès le 25.12.1948 à Amiens (80)
Perpétuelle à Lyon
Décès le 11.06.1974 à Lyon (69)

PETITE HISTOIRE DES EXPULSIONS

Le 26 Juin restera, pour nous, une date historique. Ce jour là, le délégué du liquidateur se présente, dès le matin au Sacré-Cœur, et reproche au Père Dehon de n'avoir pas emmené le Père Blancal (1). Le Père Dehon lui réplique assez vivement et déclare que M. Blancal ne sortira que s'il est expulsé. I1 ajoute qu'il n'emmènera M. Blancal, que si on lui donne un écrit attestant qu'on est décidé à l'expulser et à l'emmener à l'hôpital. L'huissier hésite à donner cet écrit. Le Père Dehon lui déclare qu'il l'exige, faute de quoi, il laissera porter le malade à l'hôpi-tal. L'huissier consulte son avoué et rapporte la pièce deman-dée. Le Père Dehon fait alors conduire le pauvre vieillard à Fayet; l'huissier prend possession de la grande Maison du Sacré-Cœur et du mobilier, tandis que le Père Dehon se retire dans sa bicoque du jardin, pour continuer la lutte, sur le terrain légal.
Le 29, les appels de MM. Lobbé et Dupland sont plaidés en Amiens. Quelques jours plus tard, le liquidateur, faisant le tour du propriétaire dans « sa » maison, risque un pas de promenade, en compagnie, dans le jardin... Le Père Dehon l'aperçoit de son observatoire et me dit, en prenant son chapeau et le texte de son jugement: « Couvrons-nous ! Vous allez voir!. . Je vais leur donner une leçon!. . » Et s'approchant, avec moi, du groupe des spoliateurs, il les interpelle sans préambule, du ton sec. frémissant et sans réplique qu'il savait adopter, quand il le. fallait:
«Messieurs, de quel droit, je vous prie, vous permettez-vous d'entrer dans mon jardin ?..
— « Mais, Monsieur... — «Il n'y a pas de mais ! Je suis ici chez moi. Vous allez sortir à l'instant. J'ai mon jugement en poche!.. Ne m'obligez pas à vous faire expulser. »
L'incident était clos ! « Désormais il ne se reproduira plus, » me dit le Père Dehon presque aussitôt rasséréné, après le départ de ces messieurs. Le lendemain, il faisait clôturer d'un mur, à distance légale, la propriété que le tribunal lui avait laissée; au-dessus de cet écran, il dressa une palissade que nous avons pu photographier et portant en gros caractères, à trois mètres des fenêtres de la maison spoliée, cet article du Décalogue:

« BIEN D'AUTRUI TU NE PRENDRAS. . . »

« Ainsi, conclut le Père Dehon, je suis sur qu'aucun homme du pays n'osera acheter une maison, dont il apprendra que Monsieur Dehon a été chassé »
Le liquidateur fit publier par voie d'affiches la vente des Maisons, pour le 22 Décembre 1904. Le Père lui répliqua par une affiche de protestation d'un ton digne et ferme, qui fut très appréciée et que le peuple respecta, sur les murs de Saint-Quentin. Le Vendredi 22 eut lieu la vente. C'était la station du dépouillement sur le Chemin de la Croix! Pour l'honneur des Saint-Quentinois, le Sacré-Cœur et Saint-Clément ne trouvèrent pas d'amateurs. C'était à l'heure des Vêpres, où le Père Dehon relisait, aux psaumes de ce jour:

(1) Le 13 juin, en l’absence du père Dehon, le liquidateur et le commissaire étaient venus apposer les scellés et faire l’inventaire de la Maison de S-C. Ils dirent au Père Blancal, malade, «Pourquoi êtes-vous ici ? On vous avait donné quinze jours. Prétendez-vous attendre ici que la jeunesse revienne ? Le Père eut la présence d’esprit de riposter : «Mr Dehon s’oppose à l’apposition des scellés...!»
«Si ambulavero in medio tribulationis, vivificabis me; et super iram innimicorum meorum extendisti manum tuam, et salvum me fecit dextera tua, » « Ne tradas me, Domine, a desiderio meo peccatori; cogitaverunt contra me, ne derelinquas me, ne forte exaltentur, » « Custodi me a laqueo quem statuerunt mihi. . . »
Le docteur Gaudart, ayant mis surenchère sur Fourdrain, et aucun acheteur ne s'étant présenté, pour le Sacré-Cœur, ni pour Fayet, une nouvelle vente fut fixée au 2 Février 1905. C'est alors que M. Dehon fit placarder un « APPEL A LA CONSCIENCE PUBLIQUE », sur les murs de Saint-Quentin, pour féliciter ses concitoyens de s'être abstenus de toute surenchère à la vente. En fin de compte, le Sacré-Coeur fut adjugé au Père Dehon. . . Saint-Clément, à un ami de M. Legrand; et Fourdrain fut perdu... mais les bénéfices que le liquidateur en retira, ne servirent qu'à acquitter les créances hypothécaires du Sacré-Cœur.
« On a fait, comme on dit, une opération blanche. Il n'en est resté que des miettes, disait S. G. Monseigneur Landrieux au sujet des spoliations, dans « La leçon du passé, » mais le coup a réussi ! »
(«LE PERE DEHON ET SON OEUVRE» page 432/3)

Note 37. Blancal (Germain du St. Sacrement-Bernard), dehonien. Né à Villemur (Haute Garonne) le 20.11.1826. Entré chez les Prêtres du S.-Coeur de Toulouse, supérieur de la maison de Montauban, fut protagoniste d'un procès à Rome contre son fondateur, le P. Caussette, causant la scission de l'Institut. Les dissidents avaient demandé de s'unir à la congrégation du P. Dehon, mais celle-ci, sur les conseils du P. Eschbach, ne les avait pas acceptés. Le P. Dehon avait cependant reçu le P. Blancal le 12.3.1888 (ou, suivant le registre du personnel, en mars 1889). Il avait fait la première profession le 27.8.1889 (cf. RP, p. 18). C'était un homme très doué, grand orateur, très habile à cultiver les rapports humains mais aussi très ambitieux. Son but était de supplanter le P. Dehon au généralat. Il entraîna d'autres pères à le suivre, et la congrégation se trouva au seuil d'une division, évitée par la patience et la prudence du P. Dehon. Le P. Blancal fut supérieur de la maison-mère (S.-Coeur) et conseiller général de 1893 à 1902. Il mourut entre les bras du P. Dehon, à Fayet, le 1.12.1905.
(NQ1 page 514)

AVANT-PROPOS, EXERGUE - CAUSES INTRODUITES