Père BLAVIER René (Pascal Baylon)
(1907 -1981)
Né le 15.09.1907 à Laifour (08)
Profès le 29.09.1938 à Amiens
Perpétuelle le 19.03.1948 à Uriage
Prêtre le 04.07.1948 à Vizille (38)
Décès le 16.03.1981 à Paris

(Homélie du Père Provincial lors des obsèques)
Sur le bureau du Père Blavier j'ai trouvé le livre du Père Charles : "La Prière de toutes les heures", je l'ai ouvert à la page où se trouvait le signet et j'ai lu :
"Lassitude des journées épuisantes quand le corps fléchit au soir tombant, quand le sommeil obscurcit la pensée et qu'une grande détresse physique, semblable à une agonie, nous saisit tout entiers" (P; 47). Depuis plusieurs mois, le Père Blavier accusait une grande fatigue. Il était discret sur sa santé, mais certains signes nous laissaient deviner son épuisement, son essoufflement à certaines heures. Il était suivi par le docteur mais rien ne laissait pressentir un dénouement aussi brutal.
Le lundi 16, vers 10 heures, il est sorti, sans doute pour une visite à un malade ; il s'est senti plus mal en arrivant au métro de l'Etoile, il s'est assis et c'était fini. Nous apprenions sa mort peu après. Il nous a quittés sans rien dire, et il nous laisse consternés, dans une grande souffrance que nous partageons avec sa famille et ses nombreux amis. Son départ laisse un grand vide. René Blavier est né à Laifour dans les Ardennes en 1907. C'est seulement à 28 ans qu'il choisira d'orienter sa vie vers le don de soi au Seigneur, dans la vie religieuse et le ministère sacerdotal. Lorsqu'il entre à Domois en 1935, il a une expérience de la vie, du travail et des hommes. Il était clerc de notaire. Il entre au noviciat d'Amiens en 1937 et fera profession religieuse le 29 septembre 1938.
Mobilisé, il va connaître les premières heures de la guerre avant de passer six années de captivité où il se fera de nombreux amis; certains d'entre eux sont venus ce soir, témoignant ainsi de la profonde amitié qu'ils ont vécue avec le Père Blavier.
Après ses études de théologie à Uriage, René Blavier est ordonné prêtre le 4 juillet 1948. Les premières années de son service sont partagées entre Raon et Lyon. Il est à l'ouverture de Raon, il prépare la venue du scolasticat d'Uriage à Lyon.
Puis, nous le trouvons à l'ouverture de la Maison de Paris, au Passage Doisy. Il est économe de la maison dès 1954. Il sera économe provincial de 54 à 72. Après ce long temps au service de la Province, le Père Blavier accepte de servir à Amiens comme supérieur de la communauté de 72 à 79. Malgré le poids des années, il donne ses dernières forces au service de la communauté du Passage Doisy en devenant responsable de cette communauté en novembre 1979.
A chacun sa richesse humaine et sa grâce particulière. Le Père Blavier était un homme de coeur qui a reçu la grâce d'être animé par une grande bonté. Partout où il est passé, il a marqué ceux qui l'ont connu surtout par sa façon d'être attentif, d'être présent, de faire plaisir avec une grande disponibilité de coeur.
Par de petites choses, par des gestes vrais, discrètement, sans en avoir l'air et surtout sans s'imposer, il avait un art de dire aux autres qu’ils existent et qu’ils ont une importance. Sa façon d'être attentif à une fête, à un anniversaire; sa façon de s'intéresser aux efforts des autres m'a beaucoup appris sur sa manière de créer la relation fraternelle. Il avait relevé dans ses notes cette phrase : "les tâches humbles et gratuites qui manifestent plus particulièrement l'amour fraternel", on croirait lire ce que nous dit notre Règle de Vie.
Dans l'Evangile le Christ nous a redit : Je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir. La vie du Père Blavier se trouve là toute entière : un coeur profondément humain tout entier au service de ses frères. Sans chercher à se faire voir, il accomplissait de multiples services domestiques, il était heureux de le faire discrètement, heureux lorsqu'il avait pu ainsi contribuer à la bonne marche et à la joie de la communauté.
A Amiens il se donnait aux travaux de la Procure, à Paris il travaillait à la Procure des Missions. Jusqu'au bout il a servi.
Ce qu'il cherchait à travers tout cela, c'était la vie fraternelle ; avec patience, avec espérance, il a tout fait pour promouvoir les relations fraternelles. En cela il vivait en vérité un des aspects les plus importants du témoignage religieux dans l'esprit du Père Dehon, à savoir : espérer que la fraternité est possible et y contribuer jour après jour avec l'amour du Christ et en le suivant dans sa façon d'être au service de la communion des hommes entre eux.
Servir, aimer fraternellement tous ses frères, c'est un chemin exigeant où s'est aventuré notre cher Père Blavier. Il a voulu imiter les gestes très humains du Christ Jésus, il a puisé en son Coeur un amour renouvelé chaque jour, il a vécu une espérance active et patiente. Sa force, il l'a trouvée dans la prière et dans l'Eucharistie . Sa fidélité à la prière entraînait ses frères, et sa façon de célébrer l'Eucharistie avec un brin de solennité à l'occasion, témoignait de l'importance qu'elle avait pour lui, et de sa joie lorsqu'elle rassemblait la communauté, toute la communauté.
C'est ainsi que la vie du Père Blavier m'apparaît, toute donnée dans la simplicité, dans le quotidien, dans le concret des moments heureux ou pénibles. Je trouve ceci dans les textes qu'il aimait :
"Pour rencontrer Dieu, je ne dois pas m'évader de ma faiblesse humaine, ni faire semblant qu'elle n'existe pas... Pour ressembler à Jésus je ne dois pas changer les conditions de mon existence terrestre, je ne dois pas cesser d'être homme. Parce qu'il a connu réellement nos lassitudes, la fatigue est devenue chose divine...".
Selon l'esprit du Père Dehon, il a vécu la confiance, l'abandon, la disponibilité à l'imprévisible de Dieu, en s'acceptant devant le Seigneur. Il a relevé ce passage de "Sagesse d'un Pauvre"
"La plus haute activité de l'homme et sa maturité consistent dans l'acceptation humble et joyeuse de ce qui est, de tout ce qui est. La profondeur d'un homme est dans sa puissance d'accueil... Nous voulons toujours ajouter une coudée à notre taille, d'une manière ou d'une autre. Tel est le but de la plupart de nos actions. Même lorsque nous pensons travailler pour le Royaume de Dieu... Jusqu'au jour où nous nous heurtons à un échec profond, nous découvrons alors qu'il n'y a de Tout-Puissant que Dieu, et qu’il Est le seul Saint et le seul Bon. L'homme qui accepte cette réalité et qui s’en réjouit à fond a trouvé la paix. Seul l'homme qui accepte Dieu de cette manière est capable de s'accepter vraiment soi-même. I1 devient libre de tout vouloir particulier... I1 est entièrement ouvert à l'action de Dieu qui fait de lui ce qu'il veut, qui le mène où il veut". (P. 136).
Le Père Blavier a trouvé la paix, il est devenu un homme "pacifiant". Ce soir, nous accueillons la parole d'Evangile qui nous est proposée à travers sa vie. Nous lui sommes reconnaissants de nous avoir aidés à devenir plus fraternels, plus confiants dans l' Amour du Seigneur, plus humbles dans le service. Et nous prions le Seigneur d'accueillir dans sa Paix et dans sa Joie, notre Frère. Qu'il connaisse maintenant le Coeur du Père en partageant la connaissance du Fils et la plénitude de son Amour dans la communion de l’Esprit.
Père LECLERC scj

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