Le Père CARET J-Baptiste (Armel)
(1920 - 1980)
Né le 03.02.1920 à Ploërmel (56)
Profès le 17.10.1942 à Busséol (63)
Perpétuelle le 29.09.1947 à Uriage
Prêtre le 04.07.1948 à Vizille (38)
Décès le 03.05.1980 à Thionville (57)
Miss. au Cam (1949-1955)

(Extrait des paroles d'accueil du Père ABEL lors des obsèques en l'église paroissiale de Volkrange le 6 mai 80)
Le Père Caret est né à Ploërmel, dans le Morbihan, le 3 février 1920. Il reçut au baptême le prénom de Jean-Baptiste, qui est précisément le titulaire de cette église qui nous rassemble autour de lui pour un dernier adieu.
A onze ans, après sa communion solennelle, pour répondre à l'appel de Dieu, il n'hésite pas à s'éloigner de sa famille de quelques 800 km. afin de commencer le cycle des études et de la formation qui le mènera au sacerdoce et à la réalisation de son idéal missionnaire. Cela paraît incroyable aujourd'hui qu'on ait laissé partir si loin un enfant de cet âge, d'autant plus que la longueur du trajet et les ressources très modestes des parents ne lui permettaient pas plus qu'un retour en famille par an, aux vacances d'été. Et cela aussi paraît incroyable de nos jours que sa famille et son curé aient pris au sérieux la vocation d'un enfant de 11 ans...
Je ne vais pas raconter toute la vie du Père Caret.
Un événement important, extrêmement douloureux, doit être relevé, parce que le Père en gardera la marque, la blessure, jusqu'au bout de sa vie et qu'il aide à comprendre certains de ses traits et de ses penchants. En 1935, à 15 ans, il perd sa mère. C'était une tendre maman, une sainte maman, dont la présence l'avait comblé de bonheur, de sécurité, de confiance en la vie et dans les autres, et dont l'absence allait le laisser pour toujours un peu orphelin, un peu seul, un peu abandonné, malgré toutes les vraies amitiés qu'il connut par la suite...
Oui, je le sais par certaines confidences, cette blessure ne s'est jamais cicatrisée et l'a fait souffrir jusqu'au bout.
Les longues années de formation du Père Caret se poursuivent, avec l'interruption de la guerre, où il se trouve mobilisé. Après un an de noviciat (dans le Puy-de-Dôme), il prononce ses premiers voeux de religion, le 17 octobre 1942. Puis viennent les six années de grand séminaire et, enfin, l'ordination sacerdotale le 4 juillet 1948 (au diocèse de Grenoble).
L'année suivante, donc en 1949, son rêve d'enfant se réalise pleinement : il s'embarque pour le Cameroun. Il passe six années à Bamété. Hélas, ce seront là ses seules, ses trop courtes années de vie missionnaire. Son très mauvais état de santé l'oblige à rentrer en France, et c'est un retour définitif. Il n'a que 35 ans... Vous comprenez combien il a pu cruellement souffrir de devoir renoncer si tôt à ce qui avait été le but de sa vie... Vous imaginez facilement les effets, dans son esprit, dans son corps même, de cette brisure, de cet échec, aggravant encore le sentiment d'abandon, de solitude, de vide, dans lequel l'avait laissé le décès de sa très chère maman.
Rentré en France, le Père doit se soumettre à des soins prolongés, se résigner à un repos dont il croit qu'il ne verra jamais la fin. Progressivement, il pourra reprendre du service dans différentes communautés.
C'est en mars 1965 qu'il arrive à Volkrange. Très vite, très facilement, lui, le Breton, s'adapte à notre Lorraine et se trouve en sympathie avec nos populations. Il aimait notre agglomération, nos gens ; il vous estimait, il vous aimait, vous le savez... Jamais il n'envisagea de quitter Volkrange, il voulait y rester jusqu'au bout de sa vie et reposer enfin dans notre cimetière, à côté des deux confrères qui l'ont précédé (le Fr. Bertrand et le P. Delvigne), à l'ombre de notre église, de "son" église St Jean-Baptiste.
Souvenez-vous : la veille de son entrée à l'hôpital, le Jeudi Saint, il tint à venir célébrer ici avec nous la Cène du Seigneur. Il commençait à éprouver une gêne à marcher. Il aurait voulu concélébrer avec moi, mais la station debout prolongée lui aurait été pénible.
Le lendemain, Vendredi Saint, je l'accompagnais à l'hôpital pour y subir des examens qui ne paraissaient pas, selon les premiers tests, devoir révéler un mal sérieux. Il était même autorisé à sortir pour fêter Pâques en communauté : il semblait en pleine forme. C'est quelques jours après son retour à l'hôpital que se manifestèrent les premiers symptômes du mal qui devait l'emporter si rapidement.
Il a supporté sa maladie, il a fait l'offrande de sa vie dans l'esprit de notre congrégation, selon la ligne qu'il avait choisie 38 ans plus tôt lors de ses premiers voeux, c'est-à-dire en esprit d'amour et d'oblation, de soumission et d'abandon à la volonté de Dieu, de partage aux souffrances du Christ dans son corps qui est l'Eglise... "Oh, maintenant, je suis content; maintenant, je suis heureux !", me répétait-il quand je lui eus fait l'onction des malades dans sa chambre d'hôpital. Il m'avait recommandé que ce sacrement lui fût donné simplement, "sans tralala". Oui, c'est l'expression qu'il employa, et vous l'y reconnaissez bien tel qu'il était. Jamais, et surtout quand il s’agissait d’actions importantes et graves, il n’a aimé le tralala : "surtout pas de tralala".
Ce qui caractérisait le Père Jean, c'était bien ça : sa modestie innée, son humilité naturelle, sa disponibilité aux tâches les plus serviles, les plus obscures. C'était encore davantage son coeur capable des délicatesses les plus imprévues, les plus menues, les plus touchantes. En 1973, nous fêtions ses 25 ans de sacerdoce. En souvenir de ce jubilé, il nous laissait une image portant cette devise : "Vivre, c'est aimer"... Alors, nous pouvons affirmer que le Père Jean a vécu grandement, qu'il a vécu en plénitude, parce qu'il a beaucoup aimé.
Mes frères, vous avez connu et apprécié les qualités du Père Jean. Vous avez aussi connu la pénible infirmité dont il a été longtemps affligé. Vous voyez ce que je veux dire. Vous comprendrez aussi que les deux événements que j'ai rappelés, l'absence trop prématurée d'un amour maternel et l'échec de son projet de vie missionnaire, expliquent cette période de faiblesse qu'il traversa.
Malgré cette infirmité, ou plutôt à cause d'elle, parce qu'il s'agissait d'un homme en souffrance, parce qu'il s'agissait d'un prêtre dans l'épreuve, vous lui avez maintenu votre amitié. Avec beaucoup de compréhension, vous l'avez aidé et soutenu. Je veux vous en remercier, plus exactement être l'écho de son merci. Je vous dois ce témoignage : le secours de votre amitié, le respect que vous lui avez conservé dans son épreuve, ont grandement contribué à lui redonner la confiance en lui-même nécessaire pour surmonter cette infirmité définitivement depuis bientôt 6 ans.
J'ai parlé de la modestie du Père. Même guéri de son infirmité, il en parlait avec une simplicité désarmante, une simplicité et une vérité d'enfant. Lui qui était si peu porté à se vanter, à faire le malin, me faisait chaque fois penser, lorsqu'il évoquait cette malheureuse période de sa vie , aux paroles de St Paul aux Corinthiens : "S' il faut se vanter, c'est de ma faiblesse que je me vanterai... Le Seigneur m'a déclaré : "Ma puissance se déploie dans la faiblesse".
Père ABEL Jean-Marie scj

AVANT-PROPOS, EXERGUE - CAUSES INTRODUITES