Le Père LECHNER Edmond (G. de l’Adol.)
(1895-1987)

Né le 05.11.1895 à Dauendorf (67)
Prêtre le 24.07.1927 à
Profès le 22.09.1923 à Brugelette
Chez les Trappiste d’OElenberg (68) (1938-1964)
Perpétuelle 01.11.1965 à Amiens
Décès le 21.01.1987 à Amiens

91 ans, 2 mois et 13 jours, tel est, tel fut la durée du parcours terrestre de notre cher Père Edmond.
Né le 5 novembre 1895 à Dauendorf, village trapu du nord de l’Alsace, dans un milieu très chrétien, il se sentit appelé à la vie religieuse et au sacerdoce après le passage d’un de nos Pères dans la paroisse.
Aidé par sa tante religieuse enseignante, il se met en contact avec l’Ecole Apostolique de Clairefontaine où il fut admis en classe de 6°, à l’âge de 14 ans. Chose surprenante, une famille protestante paya intégralement, par un don à la tante religieuse, les six années d’étude du jeune séminariste.
En 1915, il a 20 ans. L’Allemagne est en guerre et mobilise les classes 14 et 15. Devenu allemand par l’annexion de l’Alsace en 1871, Edmond doit quitter le Luxembourg pour être incorporé dans l’infanterie allemande.
Après quelques mois d’instruction et d’entraînement, il part avec son régiment sur le front de l’Est, en Pologne et en Russie.
Très solide de constitution, courageux, parfois même téméraire, les longues marches, les grands froids, les harcèlements de l’ennemi n’entament ni sa santé ni son moral.
En 1918, il revient sur le front français, avec son régiment en lambeaux, et il est dans les environs de Nancy quand l’armistice sonne la fin du cauchemar pour tout le monde. Le lendemain soir, le soldat Edmond prend -au sens propre -la clef des champs pour rentrer avec armes et bagages, chez lui, à Dauendorf.
I1 va rejoindre son village à pied, dans la nuit, en direction de Sarrebourg en Moselle, puis à travers les Vosges, où il dort 2 heures dans un fossé et où un homme, surgi en pleine nuit à un carrefour, lui indique la route à suivre pour échapper aux patrouilles allemandes qui font la chasse aux « déserteurs ». Toute la journée, il marche, s’arrêtant à peine pour manger et se reposer un peu. Tard dans la nuit, il arrive au village! Passant par le jardin de sa maison, il décharge son mousqueton de ses dernières balles... à la grande frayeur des bêtes et des gens. I1 est minuit quand il embrasse ses parents dans la cuisine. I1 venait de parcourir en 26 heures plus de 80 Km à pied!
Après Noël et Nouvel An passé en famille, il se rend au Grand Séminaire de Strasbourg pour y faire sa philosophie... avant de rejoindre le scolasticat des Prêtres du Sacré Coeur où il retrouvera d’anciens camarades de Clairefontaine, tels le Père Bolsigner, Mgr Bouque, les deux Pères Bernard, des lorrains incorporés comme lui dans l’armée allemande. En septembre 1922 il entre au Noviciat de Brugelette où il prononcera ses premiers voeux le 22 septembre 1923. Avant de commencer sa théologie, le supérieur Provincial l’envoie faire deux années de surveillant-professeur à Saint-Clément, à Thieu d’abord, puis à Blaugies, en Belgique.
En juillet 1927, a 32 ans, le Frère Edmond est ordonné prêtre à Louvain.
Après les festivités en famille et un peu de repos, il rejoint son nouveau poste: Blaugies, où il enseigne l’allemand. Une année à Domois, en 1931-32, puis il est nommé à Amnéville en Moselle. Nos Pères ont en charge la paroisse et viennent d’y ouvrir une maison pour futurs séminaristes et frères. Le Père Edmond y donne des cours d’allemand et assure l’économat.
En 1938, il demande l’autorisation d’entrer à la Trappe d’Oelenberg, près de Mulhouse. Heureux, d’après ce qu’il m’a dit, il y est resté pendant 24 ans, avec un intervalle de 9 ans comme aumônier chez les Trappistines près de Rosheim, dans le Bas-Rhin. Ces 24 années de vie silencieuse et contemplative étaient une préparation à la vie de silence qu’il allait devoir mener chez nous, ici à Amiens, de 1964 à 1987.
En effet, devenant de plus en plus sourd... et désirant revenir « à ses racines » il sollicite la permission de revenir chez les Prêtres du Sacré-Coeur. I1 avait alors 70 ans. Le Père Abbé l’amena lui-même jusqu’ici en voiture, voulant manifester ainsi la grande estime qu’il avait pour le Père Gabriel de Notre Dame des Douleurs -nom de Religion du Père Edmond.
Le Père quittait le silence de la Trappe pour entrer, avec sa surdité grandissante, dans le monde du silence, là où ne parviennent plus aucun son, aucun bruit extérieur. C’était un dur sacrifice, pour lui et pour nous. Ceux qui vivent cette absence de communication avec les mal entendants qui les entourent savent combien cette situation est parfois éprouvante et purifiante. Et pourtant, le Père Edmond acceptait cette infirmité avec une sérénité toute surnaturelle. Aucune morosité, aucune amertume, aucune curiosité morbide en lui. I1 restait gai et joyeux, humble et obéissant avec une âme d’enfant.La source de sa joie, de sa bonne humeur, de sa gentillesse et de son indulgente et compréhensive bonté était l’Eucharistie. I1 passait au moins 3 ou 4 heures par jour à la chapelle, son chapelet à la main. Vis à vis de l’Eucharistie, il avait, comme nous le demande notre vénéré Fondateur, une double soif, celle de la visiter, celle de la recevoir.
Cette vie de recueillement, de prière, d’adoration et d’oblation, il l’a menée jusqu’au -jour où l’artériosclérose cérébrale diminua sérieusement ses facultés intellectuelles, l’obligeant à ne plus réciter son bréviaire... et à diminuer le nombre de ses chapelets.
Le 22 décembre 1985, vers 15 h. de l’après-midi, en voulant se rendre de sa chambre à l’oratoire pour y célébrer l’Eucharistie, il s’écroule dans le corridor, le col du fémur gauche fracturé. D’abord soigné à l’Hôpital-Nord d’Amiens puis à celui de Roye pour la rééducation, il revient deux mois après à la maison de retraite de La Neuville, à deux Km d’ici. C’est là qu’il s’est éteint doucement, sans souffrance, le dimanche 21 janvier vers 20 heures.
Avec lui disparaît un des derniers maillons qui nous reliait directement avec le Père Dehon, notre vénéré Fondateur. Visitant un jour, avant la première Guerre Mondiale, l’école apostolique de Clairefontaine, le Père Dehon -de haute stature -avait béni affectueusement un petit alsacien, à genoux devant lui. Le 18 août 1925, ce petit alsacien, devenu frère scolastique à Louvain, portait avec émotion et fierté, la croix du cortège aux funérailles du Père Dehon à Bruxelles.
Aujourd’hui, ce même scolastique, devenu le Père Edmond Lechner depuis le 24 juillet 1927, a rejoint définitivement notre vénéré fondateur, dans la joie et la tendresse du Coeur de Jésus et de Notre Dame, qu’il a tant aimés et si bien servis ici-bas. Amen.
P. Alphonse SCHMIDT scj


AVANT-PROPOS, EXERGUE - CAUSES INTRODUITES