Père RAVOT Paul
(1917 -1988)

Né le 02.11.1917 à Besançon (25)
Profès le 29.09.1936 à Amiens
Perpétuelle le 29.09.1946 à Uriage (38)
Prêtre le 04.07.1948 à Vizille (38)
Décès le 18.02.1988 à Mougins (06)
Miss. au Cam (1949-1961) (1963-1972) ((1973-1976)

Subitement, jeudi soir, le 18 février, au cours du repas, sans que personne ne s'y attende, doucement, sans cri, le Père Paul Ravot nous a quittés. I1 s'est éteint, un peu comme une lampe qui a épuisé son huile. I1 s'est endormi et, nous pouvons le dire, il s'est endormi dans le Seigneur.
Depuis de nombreuses années déjà, depuis 1972 où il avait été opéré d'un cancer à la gorge, il n'avait cessé de lutter, de faire effort pour manger, pour respirer la nuit, pour se faire entendre de son entourage, pour remplacer cette salive qui lui faisait défaut. Paul était un énergique, je dirais même un perfectionniste. I1 affirmait volontiers qu'il était un dur, un dur au coeur tendre, pourtant.
De cette tendresse, ce bisontin né en 1917 en éprouvait un réel besoin, probablement depuis qu'à l'âge de 6 ans il avait perdu sa mère. I1 comprit alors par expérience ce que c'est que d'être privé d'affections, de ne pas avoir quelqu'un sur qui pouvoir s'appuyer. Et c'est sans doute ce qui lui permettra par la suite d'être si attentif à ceux qui lui paraissaient subir quelqu’injustice, quelque rejet, quelque mépris de la part de leur entourage, car il savait également ce que c'est que d'avoir sa petite fierté.
Ce deuil fut l'événement dont se servit la Providence pour lui faire connaître notre Congrégation puisqu'il rejoignit notre orphelinat de Domois, près de Dijon. C'est là que, peu à peu, lui vint l'idée de devenir prêtre, prêtre chez nous. I1 fera ses études successivement à Blaugies et à Viry puis de nouveau à Domois, où s'était établi le Séminaire St François Xavier, pour ce qu'on appelait alors les vocations tardives. Ses études, il a des difficultés à les terminer, mais il veut à tout prix devenir prêtre et aucun obstacle ne semble le décourager. II aime d'ailleurs réfléchir. Toute sa vie, il sera en recherche de certitudes et il sentira le besoin de les manifester aux autres avec passion, peut-être pour s'en convaincre lui-même davantage.
C'est à Amiens, en septembre 1936, qu'il fait profession. Deux années de philosophie à Lille puis son supérieur d'alors, le Père Legay, l'emmène avec lui à Neussargues dans le Cantal pour s'occuper des premiers élèves de cette nouvelle école apostolique qu'il vient de fonder. Une année à peine se passe et la guerre l'appelle sous les drapeaux, une guerre qui, pour lui, signifiera cinq années de stalag en Allemagne, jusqu'à ce que les Russes le fassent sortir du métro de Berlin où il avait dû se terrer pendant plusieurs semaines. I1 en parlait souvent.
Revenu en France, il poursuit sa théologie à Uriage près de Grenoble, où il est ordonné prêtre en 1948. A 32 ans, il part au Cameroun. Ses débuts, il les fera surtout comme directeur d'école: deux ou trois ans successivement à Bonabéri, Batang, Dschang et Bafou. Mais cela ne l'empêchera pas de faire régulièrement, comme tout missionnaire, la tournée des chapelles de brousse. En 1954, le voilà supérieur de la mission de Njombé. I1 y trouvera sa vocation de bâtisseur. I1 construit l'église, et une église qui a du style. I1 est plutôt un manuel et au moins il a la consolation de voir les résultats de ses efforts.
Bientôt c'est la période des troubles qui ont précédé et suivi l'indépendance du Cameroun. Un jour il se trouvera complètement isolé au milieu du maquis. Mais un des chefs de ce maquis, dont il n'a pas hésité à se dire toujours l'ami, le protège, jusqu'à ce que l'armée française vienne le libérer. Après ces événements tragiques, il restera deux années en France, dans la paix et la tranquillité du Doyenné de Chef-Boutonne, dans les Deux-Sèvres, à Gournay. Mais la nostalgie de son pays d'adoption le pousse à repartir au Cameroun en 1963. Après quelques courts séjours à Bafoussam, Dschang, Batou, on lui confie la mission de Baletet. Là tout était à faire. Aidé de généreux bienfaiteurs de Suisse, il construit l'église, le presbytère, les écoles. I1 était dans son élément quand brusquement, en 1972, il doit rentrer en France pour se faire opérer et soigner d'un cancer à la gorge. Cela ne l'empêche pas de repartir en mission au bout d'un an. I1 travaillera alors successivement à Bankouop et à Bandjoun. Peu de temps cependant car sa santé continue à s'affaiblir et en 1976, c'est le retour définitif.
Un premier séjour, ici même à Mougins en 77-78 le laisse insatisfait. I1 n'est pas mûr encore pour la retraite. I1 part pour notre maison de Viry où il pourra rendre de multiples services. I1 se chargera en particulier de l'entretien du grand parc de la propriété. Un nouveau ministère aussi s'ouvre à lui, qui éclairera ses dernières années d'activité. I1 devient l'aumônier des Soeurs qui s'occupent de la Maison d'Arrêt des femmes à Fleury Mérogis, il sera même, durant 18 mois, l'aumônier de ce Centre. I1 se trouve ainsi mis en relation avec des personnes surtout de milieu populaire, marginalisées, avec ceux sur qui le regard du Christ aimait à se poser: les exclus, les méprisés, ceux qui ont manqué d'amour. Avec elles, il se sentira vraiment à l'aise, moins cependant avec les contraintes du règlement. De ce ministère, il gardera un excellent souvenir et ici encore, il continuait à entretenir une abondante correspondance avec certains, avec certaines d'entre elles.
C'est à la fin de 85 qu'il revient à Mougins, déjà bien affaibli. Ici sa vie se passe à prier, à se reposer, à prendre soin avec tendresse et fierté des fleurs de la propriété. Trois fois par semaine, il va aussi au centre Hélio-Marin de Vallauris dont il assure l'aumônerie.
"De la mort subite et imprévue, délivre-nous, Seigneur" chantons nous dans les litanies. Si sa mort a été subite, elle n'a pas été imprévue. Par deux fois déjà, le Père Paul avait connu un incident de ce genre et il savait que le Seigneur viendrait, comme un voleur, sans doute, mais surtout comme le Père dont découle toute vraie paternité, tout amour vrai.

P. Antoine Werlen scj

AVANT-PROPOS, EXERGUE - CAUSES INTRODUITES