Le Père SCHWALL Armand (Stanislas-K.)
(1920 - 1983)

Né le 30.01.1920 (Lux)
Profès le 29.01.1943
Prêtre le 14.07.1946
Décès le 14.09.1983 à Gaspérich (Lux)
Miss. au Cameroun (1950 - 1979)

"Surprise": l'annonce du décès du Père Armand Schwall en fut une; on le savait déjà souffrant depuis longtemps, privé pratiquement de la vue, et obligé à une surveillance médicale quasi constante, qui l'avait contraint à quitter son presbytère pour une prise en charge sanitaire. Pour un certain nombre de confrères de la province française, le Père Armand était un "inconnu": les uns l'avaient seulement aperçu lors d'un congé en Europe; d'autres n'eurent jamais l'occasion de le rencontrer, d'autres enfin ne le connaissaient que par "oui-dire", puisque le Père Schwall, de nationalité luxembourgeoise était rentré au Luxembourg à son retour du Cameroun. Il était chargé de la communauté paroissiale de Bourglinyster. En 1979, suite à un décret du Père Général et à la demande du Père Provincial de Luxembourg-Wallonie, dans son souci de réorganiser la Province, le Père avait rejoint cette Province.
C'est là que le Seigneur est venu le rappeler à Lui, subitement: on l'a découvert un matin inanimé dans son lit.
Il a été inhumé le 16 septembre dernier, après le Sacrifice de la messe offert dans 1'Eglise de sa paroisse, sous la présidence de Mgr 1'Evêque de Luxembourg, en présence de quelques membres de sa famille et d'un certain nombre de confrères, religieux scj, qui avaient connu le Père Schwall, soit en cours d'études, soit au cours de sa vie missionnaire au Cameroun. Jusqu'ici rien que de très ordinaire qui s'apparente de près ou de loin à la vie religieuse et sacerdotale de la plupart d'entre nous.
C'est pourquoi j'ai accepté d'écrire ce petit billet à la demande du P. Provincial L-W, le jour même des obsèques du Père Schwall, le 16.9 dernier.
A quel titre? Aucun titre spécial, si ce n'est le fait que nous avons vécu seuls, tous Ies deux, pendant 5 années consécutives dans le même poste de mission à Nyombé au Cameroun. Aucun talent littéraire, mais une vraie et solide amitié forgée, jour après jour au creuset de l’expérience et de la souffrance, comme l'on dit: pour le meilleur et pour le pire au service du Seigneur.
Qui donc était le P. A.Schwall ?
Après ses études secondaires à Clairefontaine, il arrive en France au début de la guerre 39-45; il fit son noviciat et ses études de théologie malgré les pérégrinations exigées par la guerre entre 1941 et 1947. Il fut alors ordonné prêtre au sanctuaire marial de La Salette en juillet 1946 par Mgr Vittoz, évêque auxiliaire de Grenoble, le scolasticat étant encore à Uriage avant de s'installer à Lyon.
Puis ce fut, après de courts séjours à Neussargues et Amnéville, le grand départ pour le Cameroun en octobre 1950, où il fut successivement affecté à plusieurs postes par Mgr Bouque. Trois postes accaparèrent la majeure partie de sa vie missionnaire: Bakomako, Nyombé; Nkala, puis deux séjours dans les postes de Loum-Chantier et Babadjou. Puis ce fut le retour en Europe où il regagna son pays où l'avait déjà précédé le Père Willy Roettgers, également missionnaire au Cameroun.
Le Père Armand ? Un authentique missionnaire dans toute l'acception du terme: l'homme qui fait tout, l'homme qui supporte et souffre tout, sans rien dire parce que c'est normal. A mon arrivée à Nyombe, j'ai trouvé le P. Armand qui remplissait les fonctions de directeur d'école: fonction qu'il me céda peu après pour devenir tout à la fois: catéchiste, constructeur, planteur, président de syndicat agricole, sans négliger le cas échéant, le rôle de mécanicien, de chauffeur, de menuisier ou de cuisinier: c'était là le rôle de tout missionnaire, qui, ignorant et incompétent en arrivant apprenait "sur le tas" tout ce qui lui était indispensable: là aussi le P. Armand était toujours l'homme de la situation et lorsqu'on lui avait confié une chose, on pouvait lui faire confiance: : on savait que la chose serait faite et bien faite, et qu'il n'y avait pas à y revenir.
C'est ainsi que Mgr Bouque nous avait demandé de penser à la construction de l'église définitive, mais que faire, quand on n'est pas fortuné ? Le P. Armand contacta un de ses amis, curé au Luxembourg qui lui envoya un chèque de 50 000 F.B. de l'époque - c'était en 1956 - monnaie forte à l'époque qui nous permit d'acheter aussitôt 10 000 parpaings de ciment, de faire faire des plans d'architecte, et de commencer les fondations. Cela devait finalement aboutir à la magnifique église de Nyombé que l'on peut admirer aujourd'hui.
Le missionnaire a besoin de tout un "quota" de capacités inemployées en Europe, parce que sans objet. C'est ce dont a dû se rendre compte le Père Armand à son arrivée à Bakomako en 1950. C'était sa première affectation de jeune missionnaire: un poste de montagne, en pleine brousse; sans route, sans voiture, où tous les transports se faisaient à tête d'homme; visite des postes secondaires à pied avec porteurs et bagages: de la valise-chapelle, à la cantine-popote, sans oublier literie et lampe-tempête!
Que de fois, le P. Armand a dû se souvenir du four à briques dont il fallait alimenter le feu jour et nuit pour cuire les briques nécessaires à la construction et à l'extension du poste central résidentiel: c'était il y a 33 ans, au temps du missionnaire défricheur: le P. Armand en était.
Mais tout cela n'était que préoccupations banales à côté de ce qui allait se produire par la suite. Les premières difficultés relatives à l'infiltration d'éléments perturbateurs d'où devait naître, quelques temps plus tard, le drame vécu par le P. Armand et le responsable de la mission de Nkola où une nuit, les deux Pères furent attaqués par des rebelles en armes: tous deux ne durent leur salut qu'à leur courage, leur sang froid et ... leurs moyens de défense.
Ce fut l'époque où le missionnaire pouvait espérer ajouter à sa panoplie, la palme du martyre, et sans aucun doute celle de la foi, du courage et de la ténacité ainsi que ce fut le cas pour nos missionnaires au Cameroun en 1959 et au Congo-Zaire en 1964.
Bien entendu le P. Armand avait, comme tout un chacun, ses petites faiblesses, et ayant appris à vivre au rythme des africains, il disait volontiers comme eux: que le temps est un cadeau de Dieu et qu'il ne faut pas lui faire violence, car il ne garde pas ce que l'on fait sans lui. Chez lui jamais de précipitation ou d'accélération désordonnées. Effectivement ce que j'ai toujours apprécié chez lui sur le plan humain, c'était son calme, sa sérénité, j'allais dire sa "force tranquille"; il ne se départissait de son calme qu'exceptionnellement: rarement un mot plus haut que l'autre, plus rare encore un éclat de voix, il est vrai que sa carrure et sa stature suffisaient à elles seules à ramener le calme au cours des palabres, ce qui l'étonnait lui-même et l'incitait parfois à aller au devant de la difficulté. "C'est quand même curieux, me disait-il, quand on a des ennuis, on n'est pas content, on râle, et quand on n'en a pas on en cherche"! Mais cela finissait toujours par s'arranger.
Pour terminer ce petit billet, je le conclurai avec des mots sortis du coeur et dictés par une véritable amitié, jamais démentie: le P. Armand était un très bon confrère, avec qui il faisait bon vivre, avec qui on était content de vivre. C'est, je crois, le plus bel éloge adressé à un frère qui a partagé votre vie; l'idéal, les peines, les joies, et les labeurs. Je terminerai par la prière du P. André Prévot: "Bon Maître, vous avez promis de nous rendre la même mesure que celle dont nous nous serons servis pour les autres, alors vous aussi faites déborder la mesure de la charité" pour notre frère Armand qui a toujours cru en vous, a toujours espéré en vous, et vous a aimé dans vos frères, les plus petits.
Paul Ravot scj.


AVANT-PROPOS, EXERGUE - CAUSES INTRODUITES